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Comment verser l’argent que je dois à mon époux/se en cas de prestation compensatoire ?

Par un arrêt du 20 novembre 2024, n°22-19.154, la 1ère Chambre Civile de la Cour de Cassation vient rendre au juge son pouvoir de choisir le mode de versement de la prestation compensatoire.

En principe, elle est versée sous forme de capital. Toutefois, à titre exceptionnel, elle peut prendre la forme d’une rente pour une durée maximale de huit ans, ou encore à titre encore plus exceptionnel elle peut prendre la forme d’une rente viagère (versée jusqu’au décès de celui qui la paie).

Lorsque la prestation compensatoire est versée sous forme de capital, l’article 274 du Code civil prévoit qu’elle peut s’exécuter soit par le versement d’une somme d’argent, soit par “l’attribution de biens en propriété ou d’un droit temporaire ou viager d’usage, d’habitation ou d’usufruit”.

Cependant, une décision du 13 juillet 2011 du Conseil constitutionnel avait imposé une limite importante à cette alternative : pour protéger le droit de propriété, le juge pouvait attribuer un droit sur un bien que si le versement d’une somme d’argent ne présentait pas de garanties suffisantes.

En d’autres termes, si Monsieur X, qui doit la prestation compensatoire, n’a pas les moyens de payer une somme d’argent, alors dans ce cas le Juge pouvait décider d’attribuer la propriété d’un bien de Monsieur ou accorder à Madame le droit d’habiter dans le logement de son époux durant une période déterminée.

PRINCIPE depuis un arrêt du 20 novembre 2024, n°22-19.154, la 1ère Chambre Civile de la Cour de Cassation : soit le Juge donne un droit de propriété sur un des biens de l’époux/se qui doit payer, soit il impose le versement d’une somme d’argent. Ce qui signifie que même si l’époux/se peut payer, le Juge peut quand même décider le/la forcer à donner un de ses biens en guise de prestation compensatoire.

EXCEPTION: Si celui qui doit la prestation compensatoire manifeste son refus devant le Juge à donner un droit sur un de ses biens + démontre qu’il a la capacité de payer une somme d’argent, alors le Juge ne pourra pas lui imposer de prêter son bien à l’autre époux/se.

En d’autres termes, en cas de consentement de celui qui doit une prestation compensatoire, pour céder la propriété ou accorder un droit à son ex-conjoint sur un de ses biens,le juge peut souverainement choisir cette modalité d’exécution de la prestation compensatoire sans avoir à démontrer l’impossibilité du versement d’une somme d’argent.

Par exemple, comme c’était le cas dans la décision citée ci-dessus, si Monsieur accepte de céder à Madame un droit d’habitation sur un bien lui appartenant jusqu’à la majorité de leur enfant commun, le juge peut décider que la prestation compensatoire sera exécutée par l’attribution d’un tel droit et ce même si Monsieur dispose de liquidités suffisantes pour exécuter la prestation compensatoire en versant une somme d’argent.

En revanche, le choix du juge n’est pas subordonné à l’accord du bénéficiaire (celui qui demande la prestation compensatoire). Ce dernier peut donc se voir imposer, à titre de prestation compensatoire, l’attribution d’un droit d’habitation sur un bien de son ex-conjoint, même s’il aurait préféré recevoir une somme d’argent.

Pour l’époux tenu de verser une prestation compensatoire, s’il possède un patrimoine immobilier propre, il peut être opportun de proposer au juge d’accorder un droit d’usage et d’habitation sur l’un de ses biens. Cette solution pourrait lui permettre d’éviter le versement d’une somme d’argent.

En revanche, il sera conseillé à l’époux/se qui doit bénéficier de la prestation compensatoire de justifier en quoi il est nécessaire que le versement de la prestation compensatoire ait lieu sous forme de paiement d’une somme d’argent. Ainsi, si le bénéficiaire de la prestation ne veut pas se voir attribuer un bien, il a tout intérêt à quand même démontrer que son époux a les moyens suffisants pour payer mais également démontrer qu’il ne souhaite pas donner un droit sur son ou ses biens propres. Cela lui permettra d’éviter que le juge impose un droit d’usage et d’habitation, solution qui pourrait restreindre sa liberté d’utilisation de la prestation compensatoire pour reconstruire sa vie.